Avis du Collège Médical Luxembourgeois 1
Commentaire :
Texte Original : Monsieur le Ministre, Le Collège médical imagine les difficultés et l'embarras dans lesquels les auteurs du rapport intermédiaire ont dû se trouver face au libellé - même de l'Accord de Coalition Gouvernemental d'août 1999, dont la formulation peut déjà être considérée comme une décision acquise et définitive, sans concertation ou consultation préalable avec les milieux médicaux de notre pays, y compris le Collège médical. En effet l'accord stipule que: « le Gouvernement entend procéder, tout en évitant les abus possibles, à la reconnaissance de certaines formes de médecines alternatives et envisage une éventuelle intégration des traitements et médicaments dans la liste des actes et médicaments remboursés par la sécurité sociale (accord de coalition 1999) ». Il faut dire qu'aux yeux du monde médical et scientifique du pays une telle approche politique aux conséquences lourdes parait plus que discutable et ne manquera pas d'être ressentie comme un affront à l'égard de tout médecin qualifié pour qui, comme il l'a appris de ses maîtres au cours de sa longue formation, l'honnêteté intellectuelle et le souci de mettre toute son ardeur et son énergie au service du malade, ne constituent pas un vain mot, Le Collège médical a eu a plusieurs reprises l'occasion de faire remarquer que le fameux « phénomène de société » invoqué maintes fois par les hauts responsables des Ministères antérieurs de la Santé ne saurait excuser le renoncement aux principes - même d'une médecine basée sur des faits scientifiquement prouvés. Un passage en page 5/6 du rapport a particulièrement frappé le Collège médical: « Vu l'engouement du public pour cette forme de thérapie et malgré la Constatation de la contradiction entre l'acupuncture et la médecine scientifique rien ne s'oppose, si tel est le souhait de la politique, à son éventuelle intégration à titre complémentaire à la médecine scientifique ». Si en politique il est courant et de bon ton de voir les responsables se déterminer et aligner leurs actions selon les désirs et demandes des citoyens, le Collège médical a toujours estimé que tel ne saurait être le cas en médecine et que le médecin quant à lui devrait baser ses conseils et son activité avant tout sur d'autres critères tels que l'objectivité et le respect des valeurs scientifiquement prouvées et reconnues, tout en restant soigneusement à l'écoute du malade et de ses inquiétudes. Aussi le médecin ne devrait-il jamais se départir de ses convictions Intimes propres et surtout ne pas céder à la tentation de susciter et de profiter des croyances les plus variées en s'adonnant à des pratiques charlatanesques illusoires, même si celles-ci sont à la mode et constituent un phénomène de société » en même temps qu'une source de gain facile. C'est sous cet aspect que le Collège médical voudrait voir méditer l'alinéa cité du rapport. Le seul fait que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) n'a déjà pas daigné répondre aux diverses demandes de reconnaissance émanant de nos Ministères de la Santé montre à qui veut bien l'entendre que la question de la reconnaissance éventuelle" des pratiques dites parallèles ou alternatives parait aux yeux de l'OMS indigne d'être posée et ne se pose pas, Le rapport sous rubrique témoigne en général d'une connaissance réelle du problème et présente de nombreuses réflexions de bon sens, auxquelles le Collège médical voudrait applaudir des deux mains. Malheureusement il y en a d'autres à l'égard desquelles le Collège médical éprouve plutôt de la tristesse. Il en est ainsi de la formulation du 2e alinéa sous 4), page 4/6 : « Les problèmes y soulevés et qui se posent et s'opposent à la médecine dite scientifique (que prétend être notre médecine d'école) peuvent… » qui pourrait faire croire que les auteurs du rapport ne soient pas tellement convaincus que la « médecine d'école » soit une discipline scientifique reconnue, chose difficile à accepter, Faut-il vraiment encore en prouver la valeur face au développement fulgurant presque inouï des dernières décennies? Aux yeux du Collège médical il parait choquant de vouloir mettre la médecine classique sur un même niveau ou en complémentarité réciproque avec les pratiques de l'illusion émergeant de fantasmes plus ou moins anciens, qui profitent essentiellement à ceux qui les exercent et bien sûr aux lobbies internationaux (littérature, émissions audiovisuelles, laboratoires spécialisés etc.) de plus en plus puissants et influents jusque dans les milieux des décideurs de la CEE et pour lesquels l'intérêt financier est le seul qui compte. Il est un fait d'ailleurs que ces pratiques n'exigent aucune connaissance médicale particulière et sont à la portée de tout charlatan et mystificateur (cf. Heilpraktiker). Ne faut-il pas rappeler à cette occasion que les promoteurs des pratiques parallèles ont réussi à faire adopter la directive scandaleuse 22/73 CEE de la Communauté Européenne qui a stipulé que « la preuve d'un effet thérapeutique des médicaments homéopathiques n’est pas requise », fait unique dans le domaine de la médecine, alors qu'on sait que la grande majorité de ces produits ne contiennent pas une seule molécule de substance active. Lorsqu'il devait s'avérer qu'un banal shampoing ou suppositoire antihémorroidaire mis sur le marché se révélait être dénué de toute substance active il est certain qu'il en serait vite retiré. Le Collège médical tient par ailleurs à insister sur le fait que les médecins convoqués pour exercice de médecine alternative ont été fermement rappelés à l'ordre et mis en demeure d'exercer une médecine correcte à l'avenir. Traduits devant le Conseil de discipline certains'ont été condamnés (e. a. le Dr Colombera) d'autres n'ont pu l'être suite à la récusation des assesseurs et en raison d'une législation non encore adaptée (reforme du Conseil de discipline du Collège médical non encore réalisée), Qu'il soit permis au Collège médical de revenir encore sur l'affirmation souvent véhiculée par les inconditionnels des pratiques parallèles et reprise également dans le rapport, à savoir que d'après les experts en acupuncture cette dernière serait trop complexe et ne pourrait donc être évaluée suivant les standards scientifiques, Or il n'en est absolument rien et rien n'est plus faux ! Des études randomisées effectuées à grande échelle et en double aveugle ont été a maintes reprises effectuées par des équipes de chercheurs de notoriété internationale et ont toujours conclu à un effet identique à l'effet placebo, lequel correspond tout simplement au fait que le corps humain arrive à corriger, sans autre aide, un grand nombre de désordres et de maladies tant physiques que psychiques (20-30% toutes maladies confondues). D'autre part en ce qui concerne la référence faite à un court extrait de l'article 14 du Code de déontologie luxembourgeois relatif au charlatanisme, cet article contrairement aux conclusions du rapport - ne concerne guère le fait évident qu'il reste de nombreuses questions non résolues et que certains maux peuvent avoir une origine psychique, mais il tient tout simplement compte du fait que dans des cas très exceptionnels et face à une croyance irréductible presque religieuse en des forces surnaturelles de la part du malade, le médecin évitera toute pression et acharnement inutiles et cédera le cas échéant à la demande pour des raisons purement humanitaires et psychologiques, Afin d'éviter toute fausse interprétation le Collège médical se permet de citer l'article 14 dans son intégralité ce qui lui confère une signification toute différente. - « Le médecin ne peut proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire et sans danger un remède ou un procédé illusoire ou non scientifiquement prouvé. - Sont interdites toutes les supercheries et tromperies propres à déconsidérer la profession et notamment toute pratique de charlatanisme et les pratiques qui y ont recours. - Il appartient au Collège médical d'examiner s'il y a lieu de considérer un acte ou un comportement comme relevant du charlatanisme ou de disciplines apparentées et de décider s'Il y a lieu d'en saisir le conseil de discipline. Sont visés en particulier les gestes pseudo-diagnostiques et pseudo-thérapeutiques présentés comme relevant d'une science éprouvée mais ne disposent en fait pas d'une base scientifiquement reconnue. - L'établissement des diagnostics et les mesures thérapeutiques doivent impérieusement reposer sur des fondations scientifiques sûres contrôlables dans les meilleures conditions de l'évolution des recherches biologiques. - Lorsque pour des raisons découlant du psychisme particulier d'un patient, le médecin estime ne pas pouvoir se passer d'un tel geste isolé, il peut ne pas être considéré comme fautif. En cas de prestation de tels actes ceux-ci sont mentionnés sur les demandes d'honoraires et sur les quittances ». Il n'est sans doute pas sans intérêt de se remémorer que le « combattant » actuellement le plus actif pour la reconnaissance des pratiques parallèles tant sur le plan politique que publicitaire a été pendant de longs mois le médecin attitré fanatique de la secte du Melickshaff et coresponsable des agissements pervers de triste mémoire notamment en matière de pratiques charlatanesques, Dans cet ordre d'idées il reste au Collège médical de rappeler une fois de plus que le charlatanisme pratiqué en blouse blanche et en parfaite connaissance de cause par un médecin sans scrupules n'est certes pas moins condamnable mais surtout beaucoup plus perfide que celui pratiqué par un petit illuminé du village. Les techniques de l'illusoire pratiquées par le médecin ne font souvent que confirmer son inaptitude à pratiquer une médecine scientifique correcte. A ce sujet il faut bien rappeler le nombre croissant de ce genre de praticiens qui sont déjà devenus inaptes au simple service de garde dans notre pays à force de se cantonner dans un domaine alternatif qui n'exige ni connaissances approfondies, mi capacités particulières, ni surtout une quelconque formation continue, Malheureusement ni le Ministère ni le Collège médical ni le Conseil de Discipline n'ont jusqu'ici eu les moyens de remédier à cet état de choses très grave et inacceptable. En conclusion le Collège médical voudrait exprimer le souhait qu'en dépit de certaines pressions et pour éviter que la médecine de notre pays ne soit sacrifiée sur l'autel d'un marchandage politique, nos responsables trouveront la force et la sérénité nécessaires pour épargner au pays un dommage irréparable dans le domaine de la Santé par la reconnaissance officielle des pratiques charlatanesques dites alternatives. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de sa parfaite considération. Pour le Collège médical, Le Secrétaire, Dr Jean KRAUS Le Président, Dr Paul ROLLMANN
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