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Rapport Lebatard - Sartre du conseil de l'ordre

 

L'ordre du mois.

Homéopathie : soumise a conditions

Depuis 1974, de nombreuses commissions ordinales se sont préoccupées de l'exercice de l'homéopathie, mais les propositions du groupe de travail mené par le Dr Lebatard-Sartre et adoptées lors d'une récente session du CNOM marquent une nouvelle exigence dans l'évaluation de la méthode et la qualité du médecin.

Faut-il rappeler que la doctrine homéopathique, fondée en 1796 par le docteur Samuel Hahnemann. repose sur les trois principes de base que sont la similitude, l'infinitésimalité et la globalité ? Dans son rapport, la commission d'étude sur l'homéopathie mise en place par le Conseil national de l'Ordre l'explicite : il s'agit de l' " administration, à des doses très faibles ou infinitésimales, de substances susceptibles de provoquer, à des concentrations différentes, chez l'homme en bonne santé (pathogénésie), des manifestations semblables aux symptômes présentés par le malade. L'application correcte de la méthode implique, après diagnostic, la comparaison par le médecin de l'ensemble des symptômes de l'affection et des réactions individuelles du patient avec la pathogénésie des médicaments utilisables. "

Principe de réalité

Le rapport évoque les grandes polémiques sur la valeur scientifique des recherches fondamentales qui se sont attachées à prouver la validité de cette thérapeutique. On le sait. les méthodes utilisées pour l'évaluation de la théorie hahnemannienne ont été amplement contestées, ainsi que les résultats obtenus. Du coup, les expérimentations généralement consignées dans des publications spécifiques sont peu reprises dans la presse médicale répertoriée dans les grandes banques de données. L'homéopathie reste une méthode thérapeutique non encore suffisamment évaluée.

Dans ses conclusions. le Dr Lebatard-Sartre estime cette évaluation indispensable et demande qu'elle soit réalisée en France, avec des méthodes scientifiques, en s'appuyant de préférence sur une assise hospitalo-universitaire et à l'échelle la plus large possible. Cette proposition parmi d'autres ( voir encadré ci-dessous) est sous-tendue par une conviction : il faut sortir du flou scientifique actuel difficile a admettre en cette fin de XX, siècle. Il faut sortir l'homéopathie d'une marginalité qui génère de mauvaises pratiques et incite certains médecins à se croire dispensés des règles déontologiques générales.

Cette attitude relève de constatations successives. L'exercice de l'homéopathie est admis par les pouvoirs publics. Le remboursement des actes des médecins homéopathes. les nombreuses études des organismes sociaux sur la consommation médicale, mais aussi le remboursement des médicaments homéopathiques1 (réglementés depuis 1948 et inscrits à la pharmacopée française depuis 1965) en font foi.

Des médecins compétents, quoi qu'il en soit...

Par ailleurs. de nombreux instituts de sondage ont démontré l'intérêt grandissant de la population pour la méthode et même le profil sociologique de la grande majorité des utilisateurs. Intérêt qui se reflète dans le nombre de plus en plus important de " pratiquants ": selon l'estimation du Syndicat national des médecins homéopathes français. environ trois mille médecins homéopathes exerçaient en France en 1995. Des médecins qui, en tout cas, ont informé leur Conseil départemental de cette pratique afin d'obtenir l'autorisation de figurer sous la mention " orientation homéopathie " sur l'annuaire téléphonique. Cette procédure. destinée à mieux informer les patients, a en effet été instaurée par le Conseil national de l'Ordre des médecins dès 1974. Reste que cette mention ne dispense pas les médecins fervents de la théorie hahnemannienne de conserver la totalité de la compétence que leur a conférée leur qualification. L'homéopathie ne pouvant, à l'heure actuelle, ni être considérée comme une spécialité, ni faire l'objet d'un exercice exclusif, ceux qui la pratiquent sont astreints à toutes les obligations découlant du Code de déontologie médicale. Cela soulève parfois quelques difficultés. en particulier dans l'organisation des gardes et urgences : un "homéopathe " est tenu d'assurer les charges qui incombent à tous ceux qui ont la même qualification de base.

Une formation de bon niveau

Mais la plus importante de ces difficultés concerne la qualité de la formation complémentaire acquise en homéopathie. Car celle-ci se fait presque toujours par des écoles privées, avec des enseignements de qualité et de durée variables, non évalués et non sanctionnés par un diplôme universitaire. Il existe bien une formation universitaire spécifique dans sept UFR, mais elle est assez peu suivie. Les diplômes universitaires, de valeurs inégales, ne paraissent pas correspondre à une véritable formation complémentaire destinée à des médecins...

Cette constatation a amené la commission ordinale à souhaiter qu'un enseignement hospitalo-universitaire structuré et reconnu, à la fois théorique et pratique, soit proposé - de préférence sous forme de DIU. Par ce moyen, le CNOM pourrait enfin s'assurer de la qualité de la formation du médecin homéopathe.

Quant à la formation médicale continue, le fait qu'elle soit spécifique ne doit pas l'empêcher d'être complémentaire et surtout de bien correspondre à la qualification de base du médecin dont l'importance est nettement prépondérante.

1. Actuellement ces médicaments sont sous l'égide d'une commission d'étude destinée à leur enregistrement, siégeant à l'agence du médicament.

Trois séries de propositions concrètes

Une expérimentation et une évaluation large de l'homéopathie doivent être réalisées en France par des méthodes scientifiques, comme l'avait préconisé l'Académie de médecine dès 1984. Cette évaluation devrait s'appuyer sur une assise universitaire et professionnelle.

Les médecins qui revendiquent l'usage des méthodes homéopathiques ne doivent pas oublier qu'ils sont assujettis, comme tous leurs confrères, au même Code de déontologie médicale. Cela signifie que chaque médecin est tenu :

· d'entretenir et de perfectionner ses connaissances non seulement en homéopathie mais aussi dans le cadre de sa qualification.

· de participer aux services de gardes.

· de rechercher le consentement de la personne examinée ou soignée. Et lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.

De plus, le médecin ne doit pas proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé, ni dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, faire courir au patient un risque injustifié.

Une information sur l'homéopathie devrait être systématiquement délivrée le cursus normal des médicales. En parallèle, et afin de s'assurer de la formation des médecins qui l'exercent, il serait très souhaitable que soit créé par l'université un DIU qui servirait de base à la reconnaissance de la mention "Homéopathie". L'acceptation de la mention, sur simple déclaration du médecin qui est actuellement en vigueur, est une disposition qui parait de plus en plus difficile à maintenir.

 

"Bulletin de l'ordre des médecins" de février 1998.

 


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